Dans les vignes françaises, des cépages hybrides pour s'affranchir des pesticides

En France, un petit nombre de viticulteurs expérimentent depuis quelques années l'usage de "cépages hybrides" plus résistants aux maladies, comme le mildiou ou l'oïdium.
Leur objectif : s'affranchir des pesticides, omniprésents dans la vigne traditionnelle.
Mais face à une profession attachée à son patrimoine et des consommateurs à convaincre, ces nouvelles pratiques peinent à se faire une place.
Dans les vignes de Lilian Bauchet, il n'y aura bientôt plus de Gamay.
À rebours de ses collègues alentour qui cultivent tous ce cépage réputé, ce vigneron du Beaujolais arrachera fin octobre ses derniers plants.
À leur place se développeront uniquement des cépages dits "hybrides", issus de croisements entre différentes vignes.
L'objectif : s'affranchir des pesticides, herbicides, fongicides et autres traitements phytosanitaires.
Pour cet ancien informaticien, reconverti à la vigne sur le tard, tout est parti d'un constat : la viticulture utilise trop de produits chimiques.
En France, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la quasi-totalité du vin consommé provient d'une même espèce, la Vitis vinifera, aussi appelée la vigne européenne.
Mais cette dernière est très sensible aux maladies comme le mildiou ou l'oïdium, capables à eux seuls d'anéantir toute une production.
Pour s'en protéger, les viticulteurs traitent donc massivement leur exploitation.
La filière conventionnelle pulvérise pesticides, fongicides et herbicides chimiques pendant que l'homologue bio répand des mélanges à base de cuivre ou de soufre."Aujourd'hui, 12 cépages hybrides sont commercialisés.
Et ils seront bientôt 17", félicite le chercheur.
"Et c'est une réussite.
Quand un cépage traditionnel a besoin de 18 traitements phytosanitaires en moyenne dans l'année, un cépage hybride en nécessite seulement deux ou trois.
C'est énorme !", note-t-il.
"Mais pour qu'il y ait un réel impact, il faut qu'il soit adopté par les viticulteurs", reconnaît-il.
Pour se faire, le coup de pouce pourrait venir d'une autre institution, l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO).
Récemment, cet organisme chargé de la gestion de toutes les appellations contrôlées, a autorisé d'intégrer les cépages hybrides dans certains grands noms du vin comme le Champagne.
"Autrement dit, les viticulteurs pourront avoir une partie de cépage hybride dans leur exploitation et garder leur appellation", félicite-t-il.
De quoi rassurer les vignerons et inciter les curieux, espère-t-il.
Reste un dernier défi de taille : conquérir le palais des consommateurs.
"Pendant longtemps, les vins issus des cépages hybrides avaient mauvaise presse.
On les considérait de mauvaise qualité et on leur trouvait mauvais goût", explique Lilian Bauchet.
"Mais cette critique revient à faire une généralisation", dénonce-t-il.
"Tous les cépages ne se valent pas.
Certes, certains donnent des vins âcres.
D'autres sont très particuliers avec un fort goût de fruits rouges et une tendance musquée.
Mais d'autres ressemblent à s'y méprendre à nos cépages traditionnels." "À la fin, je fais confiance aux consommateurs", poursuit-il.
"Nous avons déjà eu le mouvement des vins naturels qui a permis d'élargir les champs gustatifs.
Et certains consommateurs peuvent justement venir chercher un goût différent, parfois plus complexe, que les vins traditionnels." Sans compter que "d'autres sont sûrement prêts à consommer ces vins rien que pour ce qu'ils représentent : des vins naturels de la vigne à la cave", assure-t-il.