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Les lagunes, "sentinelles" du réchauffement climatique en Méditerranée

Publié le : 21/09/2025 - 10:04Modifié le : 21/09/2025 - 10:04
3 min
Les lagunes, "sentinelles" du réchauffement climatique en Méditerranée
© Agence France-Presse (AFP)

Un café, une gaufre, et Sébastien Gaubert saute sur sa barque à 5h45 pour fendre la surface parfaitement lisse à l'aube de l'étang de l'Ayrolle à Gruissan (Aude), dont le fragile équilibre est menacé par une sécheresse persistante, et y relever les 50 hameçons calés la veille.Dans l'air poisseux d'humidité et de sel, le pêcheur de 47 ans, dont quinze à pêcher sur cette lagune près de Narbonne, ne ramènera que trois loups, surnom local du bar.

Un "minimum syndical" qui permettra de "sauver la journée".

La pêche de l'anguille, activité traditionnelle de l'étang et interdite six mois sur douze, n'a rouvert qu'au 1er septembre.

"Avant, on faisait trois à quatre tonnes d'anguilles par an, aujourd'hui, une tonne si on est chanceux", raconte le pêcheur au crâne rasé, chaîne en argent autour du cou.

Ce poisson longiligne, qui fournit une part "considérable" du revenu des pêcheurs de l'étang de l'Ayrolle - près de 40% - selon le maire de Gruissan, Didier Codorniou, a été classé en danger critique d'extinction en 2008 par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

"Très peu de pluie" Son déclin a accompagné la métamorphose des lagunes, et Sébastien Gaubert veut y voir un lien: "Le problème, c'est la pollution et l'eau qui est trop salée.

L'anguille a besoin d'eau saumâtre", c'est-à-dire moins salée que la mer, dit-il."En moyenne, les étangs sont six fois plus riches que la mer en azote et phosphore, ce qui conduit à une prolifération d'algues, de zooplancton, de coquillages...

Donc quand les poissons entrent, ils grossissent rapidement", explique Laurent Benau, responsable qualité de l'eau au parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée, qui comprend l'étang de l'Ayrolle.

Mais si l'eau est trop riche, "le système se dégrade", alerte M.

Benau.

Les algues risquent d'envahir l'étang et l'oxygène de se raréfier, parfois au point de faire s'étouffer les étangs, où faune et flore finissent par agoniser.

On parle alors de malaïgue, de l'occitan "mala aiga" (mauvaise eau).

Les relevés de l'Ifremer montrent que le phénomène est en marche: le taux d'oxygène baisse depuis 20 ans.

Sous 5 microgrammes par litre, "ça peut faire un gros stress physiologique pour le vivant", prévient Valérie Derolez.

L'étang de l'Ayrolle est déjà passé de 8 à 6 µg/L entre 2000 et 2022.

Des mutations qui laissent entrevoir la façon dont le réchauffement va transformer la Méditerranée.

"Les lagunes, pour nous, ce sont un peu des sentinelles du changement climatique", assure la chercheuse en écologie côtière.

"Ça amplifie le signal par rapport à ce qu'on pourrait avoir en mer, vu que les effets sont décuplés." © 2025 AFP