L'instant + : la Turquie redécouvre l'art des céramiques bleues d'Iznik

Pendant plus de 300 ans, les secrets de l'art des céramiques bleues de l'Empire ottoman ont disparu dans les soubresauts de l'histoire. Leur redécouverte permet de raviver cette part essentielle du patrimoine culturel turc.
Réputés pour leurs motifs complexes et leurs couleurs éclatantes, à dominantes bleue et rouge, les carreaux d'Iznik qui habillent notamment la mosquée bleue d'Istanbul et le palais de Topkapi, sont considérés comme le sommet de l'art ottoman.
Ils ont fait la réputation d'Iznik, l'ancienne Nicée, où se rendra le pape Léon XIV fin novembre pour le 1 700e anniversaire du premier concile œcuménique de l'histoire du christianisme, qui s'était tenu dans cette ville au sud d'Istanbul.Sous le patronage de l'Empire ottoman, les artisans d'Iznik ont prospéré, obtenant des "résultats remarquables" au milieu du 16e siècle, retrace Ezgi Yalcinkaya, cheffe du département des arts traditionnels turcs à l'université d'Usak.
Ils ont mis au point une pâte de pierre à haute teneur en quartz, la "fritte de verre", qui offre un fond éclatant aux décorations et glaçures transparentes. Elle renvoie aussi des couleurs vibrantes dont un rouge corail pour les motifs floraux qui "a créé un nouveau style distinctif", explique-t-elle à l'AFP.
Le déclin de l'Empire ottoman à partir du 17e siècle signe celui des ateliers. Les artisans, principalement grecs et arméniens, qui maitrisaient la formule de la fritte, les couleurs et les glaçures, disparaissent peu à peu.
"De maître à apprenti"
"Le savoir se transmettait exclusivement de maître à apprenti. Les formules spécifiques, pour le rouge notamment, étaient des secrets partagés oralement", poursuit Ezgi Yalcinkaya.
Des femmes dessinent avant de peindre des carreaux dans un atelier à Iznik, en Turquie, le 14 octobre 2025
Des femmes dessinent avant de peindre des carreaux dans un atelier à Iznik, en Turquie, le 14 octobre 2025 © Ozan KOSE / AFP
"Faute de trace écrite, le savoir-faire a disparu avec les derniers maîtres. Aux 18e et 19e siècles, les connaissances techniques étaient en grande partie perdues."
Jusqu'au 20e siècle seulement, grâce à la passion d'une économiste, Isil Akbaygil, pour l'art ottoman : en 1993, elle crée la Fondation Iznik autour d'experts et d'universitaires qui entreprennent d'exhumer les secrets perdus des précieuses céramiques.
"Ce qu'on avait oublié, ce ne sont pas tant les matières premières elles-mêmes, mais leur combinaison, les températures et la méthode de cuisson, pour obtenir ce rouge corail si particulier", souligne Kerim Akbaygil, fils de la fondatrice et vice-président de la Fondation.


